Parentalité

Ma fille à l’école – notre cheminement vers l’IEF (1/2)

Je pense pouvoir en parler maintenant sans me sentir encore coupable de ne pas avoir vu dès le début. Il y a plus d’un mois maintenant que la majorité des enfants ont repris le chemin de l’école. Il y a plus de 4 ans que ma fille prenait le chemin de l’école, toute petite dans son uniforme bleu avec ses souliers neufs, son cartable et son sac à lunch roses, elle avait trois ans. Retour sur notre première expérience scolaire.

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À l’époque, je fréquentais un organisme d’activités parents-enfants et y avais noué des liens d’amitié avec d’autres mamans. Avec deux autres mamans, S. et J., nous décidions de mettre nos enfants dans la même école dans l’idée de continuer à se voir et de prolonger les liens d’amitié entre les enfants. Ainsi, ils ne se retrouvaient pas dans un univers totalement inconnu.

L’idée était assez plaisante. Dans les faits au premier contact avec l’école, j’ai commencé à avoir des doutes. J’ai visité une première fois l’école lors d’un camp d’été, il me semblait y avoir peu de personnel pour le nombre d’enfants présents, je trouvais les locaux vieillots, peu de travaux d’élèves sur les murs et la cour de récréation goudronnée à l’image de nos rues montréalaises : pleine de trous. Mes amies elles semblaient enthousiastes et comme je suis du genre à manquer de confiance en moi, j’ai procédé à l’inscription. Puis nous avons assisté à la soirée d’information des nouvelles familles. Respect de l’enfant et de son rythme, autonomie, épanouissement, les mots de la directrice trouvaient échos dans mon cœur de maman et ont apaisé mes doutes, d’autant qu’il s’agissait d’une école Montessori.

Quelques uniformes, papiers administratifs, fournitures et jours plus tard, nous emmenions mon mari et moi notre fille à l’école pour la toute première fois, la boule au ventre. Marie que vous connaissez sous le pseudonyme de Chameau était joyeuse à l’idée de rencontrer de nouveaux “amis” et de passer du temps avec d’autres personnes, elle était déjà très indépendante et n’a pas jeté un regard en arrière lorsque la porte de la classe s’est refermée. Comme beaucoup de parents, nous avons versé quelques larmes durant ce premier jour. Au fond de moi, je savais que je ne faisais pas le bon choix et suis rentrée à la maison le cœur lourd.

Deux jours se sont passés sans problème apparent, au troisième ça a commencé à changer. D’une enfant curieuse, enjouée et bavarde, elle devenait morose. Si je devais donner une image en exemple, je dirais que c’est comme la flamme d’une bougie qui progressivement s’éteint. Ma fille s’éteignait. Elle ne se plaignait pas, elle ne réclamait pas de rester à la maison mais l’après-midi, elle éclatait en sanglots en me voyant l’attendre à la barrière sans pouvoir expliquer pourquoi. Arrivée à la maison à 15h30, elle s’endormait. Elle mangeait peu, ses lunchs revenaient à peine touchés. Elle commençait à avoir des bleus sur les genoux, sur les mollets, sur les bras. Étant donné l’état de la cour de récré, je ne m’inquiétais pas trop pensant qu’elle y tombait souvent.

Au sixième jour, les bonshommes mécontents sont apparus sur son cahier. C’est un système d’évaluation : bonhomme rouge (mécontent = Tu dois t’améliorer/Je suis insatisfaite un changement s’impose), bonhomme jaune (=Tu peux faire mieux / Je suis inquiète) et bonhomme vert (heureux = Je suis fière de toi) – quand j’y pense maintenant… Il semblait que ma fille ne participait plus aux activités, qu’elle fallait la pousser pour manger le midi (ça aussi c’était évalué !), qu’elle n’appliquait pas les consignes données par la maîtresse. Je rappelle qu’il s’agissait d’une école dite Montessori. Et lorsque je demandais à la maîtresse comment les journées se passaient, elle me répondait que ça allait. Marie ne se plaignait toujours pas. Je ne détaille pas les échanges avec la directrice et la maîtresse.

Au huitième jour, mon mari est resté un peu à regarder les enfants dans la cour le matin avant la classe. Il a vu notre fille tomber, se blesser et s’est précipité pour la consoler. Barrage de la maîtresse qui ne voulait pas qu’un parent intervienne aux heures d’école, mon mari est allé consoler notre enfant, en colère contre la maîtresse et décidé à la retirer au plus vite de cette école. Je n’étais pas encore certaine de le vouloir, il m’a laissée y réfléchir. Au dixième jour d’école, deux jours après, j’ai récupéré ma fille les deux jambes dans le même trou de jupe-culotte d’uniforme, le collant collé avec le genou bien entaillé en sang coagulé, ma fille éteinte comme une poupée molle. J’avais beau lui poser des questions, je n’obtenais pas de réponse. En y pensant maintenant, c’est comme si son esprit avait abandonné son corps. Ça peut paraître fort mais c’est l’impression que j’ai eue. À partir de cet instant, je prenais la même décision que mon mari.

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Marie s’est mise à parler de l’école plusieurs jours après. Elle a d’abord expliqué que la maîtresse était méchante et qu’elle la forçait à rester allongée en silence pour faire la sieste. La maîtresse avait demandé aux parents s’ils voulaient que leur enfant fasse la sieste, j’avais répondu que c’était selon Marie, si elle le voulait ou pas. Ensuite, elle a avoué ne pas toujours comprendre ce que disait la maîtresse. En fait, il s’agit d’une école bilingue français-anglais mais la maîtresse ne parlait que très peu en Français durant la classe, ce que bien sûr nous ne savions pas. Et la cerise sur le gâteau, elle a fini par dire qu’un garçon plus grand (classe multi-âge) avait pris l’habitude de la frapper et que la maîtresse ne disait ni ne faisait rien, qu’il fallait qu’elle se débrouille toute seule. Elle pouvait bien ne pas parler et s’éteindre ma petite puce de 3 ans.

J’ai fait part de tout cela à mes amies qui je crois ne m’ont pas prise au sérieux au début, me pensant peut-être trop mère-poule. Et puis, une place de maîtresse s’est libérée au primaire et mon amie S. a postulé. Elle est orthopédagogue et avait travaillé pour la Commission scolaire de Montréal. Désirant retourner progressivement sur le marché du travail, elle a pris le poste dans l’école et a tenu deux jours. Par la suite, elle m’a confirmé l’expérience de Marie : le personnel n’est pas formé Montessori, la directrice est peu présente, les classes sont surchargées, les parents démissionnaires, gros problème de violence de plusieurs enfants sans aucun suivi, peu de matériel… De Montessori, il n’y avait que le nom et le prix ! Mes amies n’ont laissé leurs enfants dans cette école que le temps de terminer l’année en cours.

Marie avait à ce moment là 3 ans, nous avions deux ans devant nous, elle avait une place assurée dans une “bonne” école privée de Montréal. Nous avions encore le temps de réfléchir, la priorité étant de retrouver notre enfant et sa joie de vivre.

8 commentaires

  • Le Chameau (en personne !)
    2 janvier 2021 à 14 h 18 min

    J’ai de vagues souvenirs de cette histoire, par exemple les profs qui me forçaient à manger des pâtes sans goût. Aussi je me souviens d’une couverture rose et d’un rideau fermé pendant la sieste. Même une jupe, la fatigue et le malaise dans la voiture me reviennent en tête.

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    • Crapaud Chameau
      2 janvier 2021 à 15 h 26 min

      Je suis tellement désolée que tu aies vécu cela ma chérie.
      Cette expérience nous a conduites vers l’école à la maison, c’est ce qu’il faut retenir : à chaque épreuve, une force décuplée.
      Gros kikiss mon adorée

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  • Mari
    31 décembre 2016 à 20 h 47 min

    Hello!
    J’ai une petite question… cette école est elle dans le nord de Montréal’ près de rivière des prairies par hasard ? Une impression de deja vu… vous pouvez me répondre par mail perso si vous préférez 😉 Mais je voudrais vraiment savoir…
    Bravo pour votre geste envers votre enfant! ❤️

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    • Crapaud Chameau
      31 décembre 2016 à 20 h 53 min

      Réponse donnée par email 😉

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  • Crapaud Chameau
    21 octobre 2016 à 9 h 42 min

    Merci pour vos mots ❤

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  • Tiphanya
    9 octobre 2016 à 10 h 41 min

    En réponse au commentaire de Gwen, c’est vrai que certains parents n’ont pas le recul et d’autres n’ont pas / ne prennent pas le temps de voir ce qui se passe. Certains parents rentrent tellement tard du travail que l’attention disponible à leurs enfants est très limité. Et puis comme tu le dis si justement il y a la confiance en soi, le regard des autres, la méconnaissance de la loi…
    Beaucoup d’enfants s’éteignent sans que personne ne soit là pour s’en rendre compte ou pour oser faire quelques choses.

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  • Myriam
    9 octobre 2016 à 1 h 34 min

    Quelle histoire touchante !! J’ai hâte de savoir la suite.

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  • Gwen
    8 octobre 2016 à 18 h 22 min

    Quelle histoire ! En même temps il est terrible de penser que votre chameau a du passer par là et en même temps je trouve que vous avez quand même su réagir hyper vite!
    Je le vois dans mon entourage actuellement, accorder aux problèmes de début d’école la place et la signification qui est la leur constitue vraiment une démarche difficile et flippante , d’autant plus que tout autour le “tout le monde en passe par là mais c’est pour le mieux au final ” prévaut.

    Par ailleurs votre histoire constitue encore une illustration d’à quel degré la désignation montessori est volontiers dévoyée, merci la réputation ensuite car bien évidemment peu de parents font preuve du recul nécessaire pour repérer tout ce qui n’est paaas du tout montessori dans ce qu’ils observent.

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